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Tom Wesselmann peut légitimement dérouter : ses tableaux sont parfois lestes, voire presque pornographiques. Presque, car l’artiste, homme des plus subtils, savait mettre le vice dans la tête du spectateur plutôt que dans l’œuvre elle-même, qui fonctionne par allusion. Que l’on se rassure, les tableaux exposés à la Fondation Louis Vuitton jusqu’au 24 février sont, au pire, un peu coquins.
Un de ses anciens assistants, Jeffrey Sturges, qui s’occupe aujourd’hui des expositions de la succession de l’artiste, raconte dans le catalogue de la Fondation ce qu’il sait des débuts de Wesselmann, qui était si impressionné dans sa jeunesse par la peinture de Willem De Kooning qu’il décida d’en prendre le contre-pied : « Je voulais faire le contraire de tout le monde. De Kooning travaillait en grand, j’allais travailler en petit. » Ce qu’il fit, avec des formats si réduits qu’il pouvait les tenir sur ses genoux, et donc travailler presque n’importe où, ce dont il ne se privait pas. Tous s’accordent aussi sur ce point : Wesselmann travaillait partout, et tout le temps, jusqu’à sa mort en 2004, à l’âge de 73 ans.
Né le 23 février 1931 à Cincinnati (Ohio), il n’a eu que fort peu d’occasions d’être en contact avec l’art dans sa jeunesse. Le dessin, il l’a découvert durant son service militaire, pendant lequel il s’ennuyait ferme. Outre les caricatures qu’il réalisa, son seul moment de bonheur fut l’apprentissage qu’il fit de l’interprétation des photos aériennes : on lui enseigna à lire, et mieux encore, à décrypter une image. Ce déclic l’encouragea, après son service et sans doute grâce à la bourse d’étude dont bénéficiaient alors les anciens GI, à reprendre un parcours universitaire : d’abord en psychologie, puis en art.
Il s’y révèle si doué qu’il est autorisé à intégrer la célèbre Cooper Union de New York, une des meilleures écoles de l’époque. Il y apprend le dessin, le design, la peinture, l’architecture et l’histoire de l’art. S’il pratique la bande dessinée et la caricature, il est aussi en contact avec une scène new-yorkaise alors bouillonnante. C’est à ce moment qu’il découvre au MoMA Elégie à la République espagnole 108, de son aîné Robert Motherwell, qui est un choc : « J’ai ressenti, a-t-il écrit, une forte excitation viscérale. Il m’a semblé que mes yeux et mon ventre étaient directement connectés. »
Après quelques années à se chercher, son sens de l’ironie qui, semble-t-il, était des plus développés, lui fait faire un autre grand écart. Autour de lui, on parle du « grand rêve américain », on vante le « grand roman américain ». De ses tout petits tableaux il décide de faire des grands nus américains, qui seront sa première marque de fabrique : cette série des Great American Nudes dérive simplement des pochades précédentes, agrandies dix fois. Cézanne l’avait déjà dit : « Un kilo de vert est plus vert qu’un demi-kilo ! » La chose est vraie pour les formats aussi. Un grand nu est plus grand qu’un petit…
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